La moxibustion
En chinois, « acupuncture » se dit zhen jiu.
Zhen : c’est le métal, l’aiguille;
Jiu: c’est le feu qui réchauffe lentement.
La moxibustion est l’action qui consiste à chauffer les points d’acupuncture à l’aide d’un cigare à base de fleurs d’armoise séchées que l’on appelle communément « moxa » ou rouleau de moxa (du japonais mogusa qui désigne une variété d’armoise).
Dans son ouvrage Pratique des aiguilles et de la moxibustion (Maloine, 1989) le docteur Bernard Auteroche nous dit qu’en usage externe, la moxibustion permet de:
- réchauffer et faire circuler le Qi et le Sang,
- fortifier le Rein Yang (Yuan Yang),
- chasser le Vent et disperser le Froid,
- rafraîchir la Chaleur et dissiper le poison,
- vivifier le Sang et dissoudre les stases.
Certains de mes patients sont particulièrement réceptif à la moxibustion et me révèlent les sensations qui se manifestent dans leur corps lorsque je chauffe les points au rouleau d’armoise. Je me souviens d’une patiente qui me décrivait comment la chaleur remontait le long de la face interne de la jambe alors que je chauffais au moxa le point Dadu, qui a pour propriété de tonifier la Rate. La chaleur cheminait le long du méridien jusqu’à l’abdomen. Plus d’une fois une patiente ou un patient, alors que je chauffais des aiguilles poncturées sur une chaîne de points, m’ont expliqué comment, d’après leur ressenti, le moxa reliait toutes les aiguilles de la chaîne entre elles.
Quand une personne est dans un état d’épuisement, il est important de privilégier le moxa. Dans ce genre de situation, il n’est pas rare que le patient absorbe une grande quantité de chaleur et de voir le baton de moxa se consummer plus rapidement que d’habitude. De même, un patient qui a vraiment besoin de chaleur supportera la moxibustion sur un point beaucoup plus longtemps que la moyenne. J’ai également très souvent constaté que la moxibustion relaxe et apaise les personnes stressées ou en état de choc.
La moxibustion est donc une partie intégrante de l’Acupuncture Traditionnelle et je suis toujours étonné lorsque j’apprends (par mes patients) que de nombreux acupuncteurs n’utilisent pas de moxas dans leur traitement. Il est vrai qu’en se consumant l’armoise dégage de la fumée ce qui pourrait occasionner une gêne chez un patient installé dans un box étroit sans aération. La pratique de la moxibustion exige aussi que le thérapeute s’occupe de son patient et ne l’abandonne pas sans surveillance après avoir posé quelques aiguilles à fleur de peau.
Je ne suis pas moins étonné quand j’apprends que certains thérapeutes ne soignent qu’avec des moxas en exceptant les aiguilles d’acupuncture. En effet les moxas ne représentent, en Médecine Traditionnelle Chinoise, qu’un complément à l’acupuncture et, sauf dans de rares exceptions, ne sauraient à eux seuls assurer l’efficacité d’un traitement.
Enfin, il faut se méfier de certains ouvrages qui préconisent des recettes pour soulager tel ou tel symptôme grâce à la moxibustion en faisant l’économie du bilan énergétique. Exemple: on vous dira, dans ces ouvrages, de chauffer tel point du méridien du Foie pour traiter les acouphènes (bourdonnements d’oreilles, sifflement…). Or, si le lecteur qui pratique ainsi l’auto-médication présente un excès du Yang du Foie (qui peut être la cause de problèmes comme l’hypertension), il ne fera qu’aggraver son mal. Ces mêmes ouvrages préconisent parfois de chauffer les points de la face alors que tous mes professeurs et les Classiques de l’Acupuncture Traditionnelle Chinoise déconseillent, voire interdisent, de chauffer ces mêmes points.
La moxibustion était en vogue en France au XIX ème siècle et Balzac la mentionne au chapitre XIII de la Physiologie du Mariage et va ensuite, toujours dans le même chapitre (Des moyens personnels), citer plusieurs fois le moxa comme une métaphore avec le sens de « remède »:
« Enfin, en médecine, lorsqu’une inflammation se déclare sur un point capital de l’organisation, on opère une petite contre-révolution sur un autre point, par des moxas, des scarifications, des acupunctures, etc.
Un autre moyen consiste donc à poser à votre femme un moxa, ou à lui fourrer dans l’esprit quelque aiguille qui la pique fortement et fasse diversion en votre faveur. »
Honoré de Balzac, Physiologie du Mariage, Méditation XIII, Folio, 1971, p. 179.